Scarlett © Nina Flore Hernandez
Scarlett © Nina Flore Hernandez
Scarlett © Nina Flore Hernandez

Scarlett


21h00

Durée : 50min

Arthur Perole

Scarlett interroge la figure de la Muse. La relation d’influence entre inspiration et création traverse le temps et les arts, fascine et intrigue. Arthur Perole explore les habiletés et les leurres qu’une muse donne à voir pour capter, mais surtout maintenir le regard sur elle, et fabriquer la fascination autour de sa personne. Sur le plateau cohabitent dans un même espace-temps le créateur, la muse, l'oeuvre en train de s’écrire et le public, exposant leur lien et leur interdépendance.

Distribution

Chorégraphie - Arthur Perole
Danseurs - Marie Barthélémy, Pauline Bigot, Giani Caserotto, Cindy Emelie, Steven Hervouet
Musicien - Giani Caserotto
Plasticien - Samuel Aden
Lumière - Guillaume Fesneau
Costumes - Catherine Garnie

Production

CieF

KLAP Maison pour la Danse de Marseille, Centre National de Création et de Diffusion Culturelle de Châteauvallon, Théâtre de Grasse, Micadanses (Paris), Compagnie Système Castafiore

 

Avec le soutien fourni dans le cadre de l’accueil studio par le Ballet National de Marseille

En savoir +

Ma Culture Céline Gauthier

Pour Scarlett, le jeune et prolifique chorégraphe Arthur Pérole a choisi de s’attacher au motif de la Muse. Figure onirique et mystérieuse, source d’inspiration du démiurge, elle prend forme ici dans un tête-à-tête intimiste entre un guitariste fantasque et quatre danseurs qui réciproquement s’attirent, s’influencent et finalement s’unissent. 

Dos au public, un musicien égrène des riffs de guitare lancinants aux sonorités sous-marines. D’abord invisible à nos yeux, le quatuor émerge de la pénombre : les contours de leurs visages apparaissent diffractés dans un immense miroir aux nombreuses facettes, qui occupe tout le fond de scène.

Naissent à l’unisson des gestes félins, une phrase unique propre à chaque interprète faite de torsions du buste où affleure une pirouette, de bras glissés le long de la nuque, majestueux parce que reflétés à l’infini. Lorsqu’un pied effleure le sol un autre s’élève en écho, un dos cambré émane alors d’un bras ployé : tous portent à leur geste une attention minutieuse puisque c’est de son exécution constamment répétée que découle l’équilibre du groupe.

La fluidité de leurs gestes, soulignée par une lumière tamisée qui épouse les courbes de leur peau et les plis des costumes, naît d’un travail d’écoute remarquable. Chaque mouvement semble issu d’une impulsion collective, d’une tonicité partagée qui témoigne de la complicité évidente qui unit les danseurs. En retour le musicien paraît improviser pour eux, assisté d’un dispositif qui lui permet de modifier la courbure des miroirs et de troubler leur surface, matérialisant ainsi les vibrations de sa guitare. Désarçonné, le spectateur ne parvient plus à distinguer l’original et son reflet, le geste et la musique, tandis qu’autour de lui tout paraît s’entrelacer.

Alors que les sonorités se font plus mélodique, leurs gestes se suspendent et des corps des danseurs s’ébauchent des personnages, figures sculpturales, aux courbes marmoréennes dans la lumière douce. Tous se regardent et esquissent à peine un léger sourire, du coin des lèvres. Le temps parait suspendu, entre eux se noue des affinités indicibles.

L’élégance des premiers instants se mue en cabaret moderne, voluptueux et subtil. Sous les crépitements corrosifs des notes distordues de la guitare, tous les quatre s’approchent à l’avant-scène : on croirait par moments saisir des accents baroques dans les grimaces qui déforment leurs visages, langue tirée et yeux exorbités, amplifiées par les ombres qui sculptent le galbe de leurs figures. Avec ostentation, ils se prélassent de part et d’autre de la silhouette kitsch et dégingandée du musicien, veste à paillettes et santiags étincelantes. 

Arthur Pérole présente avec habileté des corps déroutants, souples et plantureux, dans une mise en scène dépouillée servie par une chorégraphie d’une grande sobriété. Audacieuse mais jamais vulgaire, la force de Scarlett, muse insaisissable, réside dans sa faculté à faire de notre regard le lieu où prend corps le vertige. Lorsqu’avec grâce les danseurs prennent la pose, leurs bouches se tordent et répriment un fou rire ; avec eux la salle jubile.

Philippe Verrielle

Le pupitre du musicien, installé au milieu de l’avant-scène fait face au fond de scène. Toute la représentation, le dos de Giani Caserotto -à la guitare et au sample- fait donc obstacle au regard. Comme si c’était à lui que s’adressait cette pièce construite comme une lente montée du mouvement qui culmine avec les quatre danseurs en ligne posant dans des attitudes empruntées à des grandes œuvres picturales : Vénus au miroir de Vélasquez, Déjeuner sur l’herbe de Manet, etc. En équilibrant gestes expressifs -jusqu’à l’outrance- et très fines compositions gestuelle, ce quatuor rend sensible le jeu de captation d’attention que le chorégraphe attribue au Muses, mais que l’on pourrait appliquer aussi aux icônes médiatiques contemporaines.