La Barbe bleue [teaser] © Fabien Plasson
La Barbe bleue © Jean Barack
La Barbe bleue © Didier Philispart
La Barbe bleue © Didier Philispart
La Barbe bleue © Didier Philispart
La Barbe bleue © Didier Philispart

Bluebeard

2015

: 1h10

Michel Kelemenis

Kelemenis & cie

Which of our childhood memories of Bluebeard still remain?

It takes only three seconds to recall the image of a terrifying man who murdered his wives, the darkness of a forbidden room, and, maybe, a disarmingly childish morale: curiosity is a naughty thing. However, the true morale in Charles Perrault’s tale is not directly addressed to children: it invites deceived husbands to dress their wounds with forgiveness.

"The challenge of making the Bluebeard text dance was to invent the time and texture of a fairy tale devoid of action. By questioning the reasons behind the first murder, Michel Kelemenis condenses his reading to unfaithful love and infernal jealousy. The imaginary space set free by the initial intuition of inversing the genders of the main characters reveals a coherency the story does not offer: the choreographer gives his ghosts the power of free will, that of regenerating the force of desire or of halting it."

 

Echos

Zibeline Agnès Freschel

nov.2015

Michel Kelemenis aime la danse qui danse, entière, les corps qui expriment par le mouvement chorégraphié, des thèmes, des sentiments, une histoire. Il aime les couleurs saturées, les fumées et les lumières, les symboles qui font signe, l’absence de mots. Cela n’est pas très à la mode dans le milieu de la danse contemporaine, mais le chorégraphe est revenu de l’envie de plaire : il sait que son œuvre est là, et y travaille. Et sait accueillir aussi, dans son KLAP, tous ceux qui ne pensent pas la danse comme lui…

Sa Barbe bleue est une femme, poursuivie par des fantômes, ceux de ses amants assassinés. Sa relation avec son nouvel amour semble toute entière dictée par l’omniprésence de ces corps rêvés, qui la manipulent, l’empêchent de l’atteindre ou la projettent vers lui, qui est aussi la proie de ces souvenirs, et dont la nature du désir reste inconnue. L’histoire, pleine de renversements inattendus, est «narrée» par les corps de façon limpide, et les musiques de Philippe Hersant et de Christian Zanési s’entremêlent magistralement, ménageant des moments tendres, graves, instables ou hérissés. Quelques objets viennent interrompre aussi l’abstraction du mouvement, un trousseau de clefs qui glisse sur les corps comme une autorisation à pénétrer l’intime, deux corps de chiffon que l’homme enlace, ou que la femme démembre.

Les danseurs, en particulier Claire Indaburu, incarnent l’histoire avec émotion, et une technique impeccable. Les élans du désir restent mystérieux, comme il se doit…

Fréquence Sud Didier Philispart

nov.2015

Pour cette création présentée les 13 et 14 novembre au Grand Théâtre de Provence Michel Kelemenis renverse les paradigmes et bouscule notre vision du conte populaire de Charles Perrault.

Le conte de barbe bleue fait partie de ces souvenirs communs à presque tous les enfants, il constitue avec d’autres contes mythiques l’une des pierres fondatrices de notre imaginaire. Le chorégraphe s’appuie avec finesse sur ce socle profondément ancré en nous, il renverse les rôles pour lentement nous faire perdre pied et nous ouvrir à son propre univers et laisser libre cours à sa créativité.

Il s’amuse à nous distiller ça et là quelques repères, des codes emblématiques tels le trousseau dont l’une des clés ouvre le cabinet au sol rouge sang, ou encore le soleil qui poudroie et le vert de l’herbe qui verdoie pour reprendre les fameux termes du récit original. Voila pour les éléments connus, mais ici la barbe bleue est une femme, la gracieuse Claire Indaburu qui danse parfois avec force parfois avec délicatesse au milieu de ses 6 amants défunts et de son fiancé. Elle les domine, se laisse porter par eux et les mouvements de cet ensemble sont hypnotiques.

On ressent au final une réelle empathie pour cette barbe bleue, femme trahie et désabusée ... dont la confiance symbolisée par ce trousseau de clé vole de main en main. Le monstre sanglant du conte devient subitement profondément humain.

Que dire de la danse ? La chorégraphie est inspirée et on se laisse avec bonheur happé par ce bel ensemble et l’occupation de l’espace de la scène du Grand Théâtre de Provence

Les décors, les costumes n’ont rien d’exubérants ou de tapageurs mais le tout est au contraire intelligent, juste, cohérent, abouti ... et la création musicale est à l’avenant.

La Barbe bleue est tout simplement un très beau spectacle de danse à conseiller sans aucunes restrictions.

Philippe Verrièle

janv.2016

Attention au titre, l’article est important. Pièce ouvertement (mais pas naïvement) narrative, La Barbe bleue traite du conte de Perrault en imaginant que c’est une femme (LA Barbe Bleue) qui tue successivement ses maris. Après que l’incendie d’un château-jouet suspendu a couvert la scène de fumée, voilà la rencontre avec le dernier des époux quand les six précédents, spectres formant un choeur, commentent la rencontre jusqu’à la mort finale de la meurtrière. Cette inversion est d’autant plus intéressante que la danseuse seule (Claire Indaburu, parfaite) développe une gestuelle toute d’énergie voire de violence que l’on s’attendrait à voir, plus conventionnellement, chez un danseur. À la fin, puisqu’inversion il y a, c’est l’homme qui reste vivant après avoir acquis la maîtrise de la clef (avec tous les sous-entendus sexuels allant avec)…

À noter,
Deux importants compositeurs contemporains français ont collaboré pour cette création. Christian Zanési, compagnon de route du chorégraphe depuis 1998 (c’était pour le Paradoxe de la femme poisson), grande figure de la musique électro-acoustique, s’est emparé de partitions pour cordes de Philippe Hersant pour les triturer à sa façon. Le résultat est étonnant. Cette bande-son fait entendre les pièces d’Hersant comme jamais. Les deux compères se connaissent, s’entendent très bien et se respectent profondément. La clef de cette réussite musicale est naturellement là. Il avait commencé ce jeu de miroir avec la Pavane pour Alto d’Hersant, reprise par Zanési, ils ont étendu le jeu sur une heure dix! On attend maintenant -c’est la logique de ce jeu- que Philippe Hersant compose la suite pour orchestre de La Barbe bleue à partir des fulgurances, zigouïgouïs et collages inspirés de Zanési…